Création de la 13e DBLE
Au début de l'année 1940, les gouvernement français et anglais décident de soutenir la
Finlande contre l'agression soviétique. Il s'agit également de couper la route du fer suédois à l'Allemagne, qui transite par voie ferrée jusqu'à Narvik puis par bateau à l'abri des eaux
territoriales norvégiennes. De façon incongrue, le haut commandement français demande à la Légion étrangère de fournir une demi-brigade de montagne pour faire corps avec une demi-brigade de
chasseurs alpins.
Comme le 11e REI, les deux bataillons de cette nouvelle unité sont formés en majorité de légionnaires issue des régiments d'Afrique du Nord où les
volontaires ne manquent pas. L'encadrement est constitué d'officiers expérimentés. Néanmoins, elle n'est pas seulement une unité de professionnels désireux de se montrer à la hauteur de la
réputation de la Légion. Les Espagnols forment ainsi près du quart des effectifs. Les engagés volontaires pour la durée de la guerre donnent à l'unité un caractère mixte, avec des connotations
idéologiques évidentes. Néanmoins, tous saisissent une chance de ne pas rester à l'écart des combats à venir.
Le 5 février, la 13e DBLE débarque à Marseille puis gagne le camp du Larzac où elle reçoit des équipements spéciaux pour le combat en montagne. Le 1er mars,
l'unité compte 55 officiers et 2 194 légionnaires. Le 27, elle prend l'appellation de 13e Demi-Brigade de la Légion étrangère (DBLE). Son chef est le colonel Magrin-Vernerey, héros de la Grande
Guerre (blessé 17 fois), à la Légion étrangère depuis une quinzaine d'années.
La campagne de Norvège
La Finlande capitule le 12 mars. Malgré cela, le haut commandement allié envisage
toujours une intervention de vive force à Narvik. Mais alors qu'il abandonne ce projet au profit d'un minage des côtes norvégiennes, moins susceptible de mécontenter les Etats-Unis, Hitler décide
d'envahir simultanément le Danemark et la Norvège.
Dans la nuit du 8 au 9 avril, les Allemands débarquent avec audace des troupes à Oslo, Kristiansand, Arendal, Bergen, Trondheim et Narvik. Bien que les
forces anglaises soient en état d'alerte, l'emploi des bâtiments de guerre rapides de la Kriegsmarine pour transporter les troupes d'assaut engendre une confusion certaine. La Royal Navy se
déploie pour intercepter ce qu'elle croit être le départ de raiders pour l'Atlantique et ne peut empêcher les débarquements. La Luftwaffe fournit un appui aérien considérable et largue
des parachutistes à Oslo et à Stavenger.. Sa mobilisation à peine entamée, l'armée norvégienne ne peut opposer une résistance organisée aux colonnes allemandes qui pénètrent à l'intérieur du pays
après s'être emparé des grandes villes et des aérodromes.
Après quelques atermoiements, la France et la Grande-Bretagne décident de débarquer des troupes à Namsos et Andalsnes pour reprendre Trondheim.
La situation à Narvik
A Narvik, les Allemands disposent seulement des 2
000 chasseurs de montagne du 139e régiments de chasseurs de montagne du général Dietl. Le 10 et le 13 avril, Les bâtiments allemands, dont 10 destroyers, sont détruits par la Royal Navy.
Le 15, la 24e brigade de Guards débarque Harstad. Pour atteindre Narvik, elle doit cependant traverser un fjord et couvrir plusieurs dizaines de kilomètres dans un terrain effroyable
avant atteindre son objectif.
Dietl en profite pour organiser 5 bataillons avec les marins survivants et l'armement en provenance des dépôts norvégiens capturés. L'ordre d'évacuation
donné par Hitler le 15 est alors annulé. Le 26 avril, suite à l'échec des opérations autour de Trondheim, les Alliés décident de concentrer leurs efforts sur Narvik.
L'arrivée devant Narvik
Entre-temps, la 13e DBLE a reçu l'ordre de gagner Brest où elle s'embarque après avoir
défilé dans les rues de la ville sous les acclamations des habitants. Lors d'une étape en Ecosse, les légionnaires sont transférés sur un luxueux paquebot britannique, le Monarch of
Bermuda. La 13e DBLE fait désormais partie de la première division de chasseurs commandée par le général Béthouart. Le 4 mai, après 5 jours de mer, le convoi approche de Narvik.
Depuis la dernière semaine d'avril, la garnison allemande est durement pressée au nord par la 6e division norvégienne. La Royal Navy, encore marquée
par l'échec de Gallipoli lors de la Première Guerre mondiale, refuse tout assaut amphibie dans les eaux étroites du fjord. La 27e Demi-Brigade de Chasseurs Alpins est débarquée à Elvenes et la
1ère Demi-Brigade polonaise à Ballangen. Les hauteurs sur les deux rives du fjord culminent à 1 800 mètres. Avec peu de skieurs disponibles, les assaillants doivent suivre les rares et médiocres
voies de communication. Les mitrailleuses allemandes placées sur les crêtes les stoppent sans difficultés. Il faut toute la détermination du général Béthouart pour que les Anglais acceptent enfin
un assaut amphibie. Le 2e bataillon de la 13e DBLE est tout naturellement chargé de cette opération délicate.
Le temps presse car la 2e gebirgsdivision (division de montagne) ouvre la route aux troupes allemandes qui viennent du sud pour dégager Narvik. Les
quelques compagnies de commandos britanniques, pour la première fois engagées en opération, ne peuvent stopper les Alpenjägers qui progressent à skis et débordent leurs position. Même le
redéploiement de la 24e brigade de Guards ne réussit guère à ralentir leur avance.
Les légionnaires débarquent à Bjerkvit
L'objectif des légionnaires est Bjerkvit, un village
de pêcheurs situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Narvik. Le 14 mai à 1 heure du matin, les légionnaires débarquent en utilisant des chaloupes et des baleinières et les premiers chalands
de débarquement. Comme la nuit ne tombe jamais réellement dans cette région à cette période de l'année, les attaques aériennes sont nombreuses. L'étroitesse du fjord et les tirs antiaériens des
navires de guerre britanniques gênent cependant les appareils allemands.
Soutenus par l'artillerie de marine, les légionnaires prennent pied sur le rivage et s'emparent des hauteurs qui entourent Bjerkvit. Appuyé par trois chars
Hotchkiss H-39, le 1er bataillon contrôle définitivement le petit port en ruine après deux heures d'intenses combats.
Le 2e bataillon débarque ensuite à Meby et prennent le camp d'Elvegaard, situé en arrière de Bjerkvit. Deux chars soutiennent les légionnaires qui
poursuivent ensuite leur avance vers la cote 220 où une arrière-garde allemande couvre la retraite. Un char détruit deux mitrailleuses mais une troisième bloque toujours l'avance de la 5e
compagnie. Trois espagnols tentent l'escalade en profitant d'un angle mort. Deux d'entre eux perdent la vie dans cette entreprise insensée mais le légionnaire Gayoso réussit à neutraliser
l'emplacement ennemi à la grenade. Cet exploit sera récompensé par la médaille militaire. Dans la foulée le peloton motocycliste du lieutenant Lefort descend le fjord jusqu'au petit port de pêche
d'Oijord, situé en face de Narvik.
Encouragés par ce succès, les légionnaires souhaitent poursuivrent tout de suite sur Narvik avant que les Allemands ne se ressaisissent mais le commandement
ordonne l'arrêt des opérations. Pendant plus d'une dizaine de jours, la 13e DBLE s'enterre et subit de nombreuses attaques aériennes, perdant de plusieurs hommes dont le chef de corps du 2e
bataillon, le commandant Guéninchault. Le général Dietl reçoit en renfort un bataillon de parachutistes puis le 137e régiment de chasseurs de montagne, parachuté après une instruction
sommaire.
L'annonce du succès de l'offensive allemande en France, déclenchée le 10 mai, incite les Alliés à retirer leurs forces de ce théâtre d'opération secondaire.
Ils décident néanmoins de prendre d'abord Narvik, pour détruire ses installations portuaires et ferroviaires mais aussi pour faciliter le rembarquement des troupes.
Un débarquement mouvementé
Pour une fois dans cette campagne, les assaillants vont pouvoir disposer d'une
couverture aérienne. Depuis la base aérienne de Bordufoss, plus au nord, un escadron de Gladiators et un escadron de Hurricanes vont disputer la suprématie aérienne aux
Allemands au dessus de Narvik et surtout protéger la base arrière de Harstad de la destruction.
L'opération, prévue pour le 28 mai à minuit, est confiée à la 13e DBLE, soutenue par un bataillon norvégien. Les 1ère et 2e compagnies du 1er bataillon embarquent à Oijord. Elles doivent
traverser les deux kilomètres du fjord pour prendre pied sur l'étroite plage d'Orneset, dominée par une falaise abrupt où passe la voie ferrée. Au même moment, les chasseurs alpins au nord de
Narvik et les Polonais au sud vont mener des attaques de diversion.
L'appui-feu est fournit par un cuirassé, trois croiseurs et huit destroyers. Cette fois-ci, les légionnaires débarquent dès la fin du barrage d'artillerie.
Les Allemands, qui s'étaient mis à couvert n'ont pas encore eu le temps de regagner toutes leurs positions. Plusieurs dizaines d'entre eux sont fait prisonniers. Les deux compagnies entreprennent
alors l'escalade de la falaise.
La 1ère du capitaine Guittaut atteint la côte 295 après quarante minutes d'une escalade éprouvante sous le feu de l'ennemi. La 2e compagnie du capitaine
Gilbert a pour objectif une position allemande appuyée sur le remblai de chemin de fer. Le combat s'engage à courte distance. Disposant d'une puissance de feu supérieure, les Allemands empêchent
toute progression des légionnaires s'accrochent au terrain en attendant les renforts.
La deuxième vague, composée du reste du 1er bataillon (3e, 4e compagnies et compagnie d'appui) et du bataillon norvégien du commandant Ulmo devait renforcer
la tête de pont une fois celle-ci assurée. Mais le point d'embarquement se trouve exposé aux tirs des pièces de 77 allemandes abritées dans les tunnels ferroviaires. Le capitaine Guillemin qui
commande cette deuxième vague d'assaut est déchiqueté par un obus. La confusion la plus totale règne bientôt. Le lieutenant-colonel Magrin Vernerey décide alors de faire embarquer ses troupes de
l'autre côté de la presqu'île, à Seines, un petit port de pêche dérobé à la vue de l'ennemi par deux collines.
Dans la tête de pont, la 1ère compagnie tient toujours la côte 295 dominée par la côte 457, verrou de tout le dispositif allemand. La 2e compagnie réussit à
trouver un nouvel axe d'attaque et à progresser de quelques centaines de mètres le long de la voie ferrée. La deuxième vague d'assaut arrive vers 6 heures du matin pour poursuivre la
progression.
Un furieux combat
Vers 8 heures du matin, la Luftwaffe intervient en force et les troupes de
montagnes allemandes en profitent pour lancer une violente contre-attaque. Les Norvégiens refluent vers la côte 295 où le capitaine Guittaut succombe. Puis le lieutenant Garoux est grièvement
blessé. La 2e compagnie doit alors décrocher à son tour. Toute la tête de pont est désormais menacée.
Le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey refuse cependant le rembarquement de ses troupes et les relance à l'attaque. Aidés par la résistance de la section du
lieutenant Vadot, qui n'a pas quitté sa position sur le remblai de chemin de fer et empêche le déploiement des Allemands depuis près de 4 heures, le reste du 1er bataillon reprend le terrain
perdu. Le bataillon norvégien et la 3e compagnie assaillent ensuite les positions allemandes sur les côtes 457 et 407. A 19 heures, elles sont entre leurs mains. Le long de la voie ferrée, les
canons de 25, hissés à grand peine le long de la falaise, neutralisent les casemates allemandes.
Le 2e bataillon, réservé pour l'assaut direct sur Narvik, n'est pas en position avant 19 heures en raison des nombreuses attaques aériennes. L'heure tardive
incite le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey à repousser l'attaque au lendemain 4 heures. Sous l'impulsion du capitaine Amilakvari, le 2e bataillon prend l'initiative d'avancer et occupe presque
sans opposition les collines proches de la ville que les Allemands évacuent dans la nuit. Le sommeil du chef de la 13e DBLE est interrompu à cette nouvelle : la Légion tient Narvik !
3 légionnaires de la 13 traversant la voie ferrée entre Narvik et la Suède
L'évacuation
Dans les jours qui suivent la prise de Narvik, les Allemands sont refoulés vers la
frontière suédoise le long de la voie de chemin de fer. Le général Dietl regroupe ses troupes pour un dernier combat et cherche à éviter passage en Suède synonyme d'internement pour la durée de
la guerre.
Mais du 4 au 7 juin, les 25.000 hommes du corps expéditionnaires sont évacués dans le plus grand secret, sans même que les troupes norvégiennes soient
informées de cette décision. Les légionnaires du 1er bataillon sont les derniers à rembarquer. Cette campagne coûte à la 13e DBLE 7 officiers et 60 hommes tués. La plupart sont tombés le 28 mai
dans les rangs du 1er bataillon.
Sur le chemin du retour, les transports de troupes évitent de justesse une mortelle rencontre avec les croiseurs de bataille Scharnhorst et
Gneisenau, venus bombarder la base logistique alliée à Harstad. Le porte-avions Glorious et son escorte n'ont pas la chance des légionnaires et du reste du corps expéditionnaire
et sont envoyés par le fond. La 13e DBLE regagne Brest le 15 juin pour participer à la formation du réduit breton envisagé par un haut commandement en pleine décomposition. Transportés vers
Rennes en train, les légionnaires reçoivent aussitôt arrivés l'ordre de regagner Brest d'où ils sont évacués vers l'Angleterre sous les bombes de la Luftwaffe. Une nouvelle aventure
commence.